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Soyez les bienvenus dans nos studios !

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" C’est un casting pas comme les autres. Ici, il n’y a ni sélection ni critères pour participer. Aucun physique, aucun profil particulier n’est exigé pour cette aventure humaine et artistique hors normes, débutée en 1993 par Yann Arthus-Bertrand pour le journal L’Express. Ce projet, à la fois pluriel et imprévisible, s’est poursuivi dans les années 1990 et 2000. Puis, une rencontre avec le démographe Hervé Le Bras, en 2023, pousse le photographe à continuer et à terminer ce travail pour qu’il devienne le reflet de la France d’aujourd’hui en rassemblant toutes les facettes d’une nation riche de ses différences.

 

Il est presque 10 heures, et quelque part en France, l’atrium d’une mairie s’anime doucement. Le studio itinérant, pièce maîtresse de cette odyssée photographique, s'est installé ici. B. À l’extérieur, les premiers participants attendent, impatients de franchir les portes pour se faire tirer le portrait. Parmi eux, une famille avec deux enfants, une infirmière épuisée mais enthousiaste après une longue nuit de garde, et un groupe d’amis complices, tous passionnés de voyages et venus avec des accessoires évocateurs de leurs nombreuses escapades à travers le monde. Un couple de pâtissiers est également là, accompagné de leurs plus belles créations, tout comme un homme et son fidèle compagnon, un chien magnifique et calme.

 

Chacun d’eux est là pour participer à un projet inédit qui donnera naissance à un livre et à une exposition itinérante exceptionnelle. D’ici quelques mois, près de 60 studios auront été installés à travers le pays, immortalisant des dizaines de milliers de personnes. Pour se faire photographier, les consignes sont claires : porter des couleurs vives, venir dans sa tenue de travail ou dans une tenue qui reflète une passion, une idée chère, un lien. Et bien sûr, objets, accessoires et animaux de compagnie sont les bienvenus. 

 

La veille, l’équipe technique de Yann Arthus-Bertrand a tout installé : les bureaux éphémères, le coin cuisine pour les pauses bien méritées, et surtout le matériel de prise de vue, dominé par la célèbre bâche marron qui a rendu les portraits de Yann si reconnaissables au fil des décennies. C’est Françoise, sa fidèle collaboratrice depuis plus de 30 ans, qui dirige les opérations avec une rigueur presque militaire, contrastant joliment avec sa personnalité fantasque et chaleureuse.

 

Lorsque les portes s’ouvrent, l’atrium se remplit rapidement de vie, de rires, de discussions animées, mais aussi de quelques signes d’appréhension. « Je ne suis pas photogénique du tout », lance une jeune femme en riant nerveusement. Qu’elle se rassure : ici, personne n’a besoin d’être un modèleexpérimenté. Les visages crispés au début finissent toujours par s’adoucir, les sourires deviennent naturels, et chacun repart fier et heureux du résultat qu’il voit sur l’écran de retour.

 

Alors que les nouveaux arrivants remplissent leur fiche de renseignements, les premiers crépitements des flashs résonnent dans la salle. Yann Arthus-Bertrand, fidèle à son approche humaine et sans détour, lance un sourire complice au groupe d’amis venus poser ensemble : « Allez, envoyez-moi de l’amour ! » Peu à peu, les barrières tombent, les poses se détendent et la magie opère. Chaque objet, chaque accessoire, chaque détail imaginé par Françoise avant le début de la séance prend sens sur la bâche. « Mon chéri, assieds-toi ici, et appuie-toi sur l’épaule de ton pote », dit-elle de manière enjouée, organisant la scène comme une chorégraphie délicate. Quelques minutes suffisent pour que les participants, autrefois anonymes, se transforment en protagonistes d’un jour.

 

La photographie, cependant, ne se résume pas à un simple clic. Yann, l’œil fixé sur le viseur, ajuste minutieusement chaque prise, déclenchant l’appareil encore et encore jusqu’à ce qu’il s’exclame, satisfait : « Ça y est, elle est faite ! » Les participants défilent les uns après les autres, tous différents, uniques, mais chacun repart avec ce sourire, cette expression vraie que Yann sait si bien capturer. Il ne cherche pas seulement des portraits, il immortalise des moments de vie, des éclats de bonheur. C’est une France heureuse qu’il veut photographier, une France rassemblée autour de ce projet.

Le tour d’un groupe de bénévoles d’une association de réinsertion par le travail arrive. Yann, curieux et bienveillant, engage la conversation : « Vous faites quoi exactement ? Comment ça marche, votre association ? » Comme à son habitude, il tutoie, il met à l’aise, créant instantanément une atmosphère de confiance et de proximité. L’humain d’abord, l’image ensuite.

 

Une fois les échanges terminés, il reprend son appareil et commence à capturer ces instants uniques. Un silence respectueux s’installe à chaque déclenchement, et les personnes en attente observent, appréhendant à leur tour leur moment sous les projecteurs. Lorsque Yann, sourire aux lèvres, leur montre le résultat, il les rassure avec son enthousiasme contagieux : « Venez voir ! Vous êtes magnifiques. » S’en suivent quelques selfies et dédicaces de livres qu’ils ont apportés.

 

Ainsi, toute la journée, des anonymes, des professionnels, et même quelques personnalités locales ou atypiques passent devant l’objectif. Chacun vit l’expérience à sa manière, unique et précieuse. Certains échangent dessourires, des anecdotes, et parfois même des numéros de téléphone. C’est sans doute cela, la véritable essence de ce projet : recréer du lien, rassembler ceux qui habitent le même pays sans se connaître. Ce projet met en lumière les traditions, les métiers, les passions et les initiatives qui font la richesse de la France d’aujourd’hui. Il nous rappelle que, comme le disait le Commandant Cousteau, « On protège ce que l’on aime, et on aime ce que l’on connaît. » Cette aventure est avant tout une invitation à aimer.

 

La journée touche à sa fin. Quelques personnes, non inscrites, se présentent sur un coup de tête, dans l’espoir de participer à cette expérience. L’équipe, toujours ouverte à l’imprévu, fait son possible pour les intégrer. L’imprévu, après tout, fait partie de la magie de ce projet.

 

Soudain, une mélodie familière envahit l’espace. Une petite enceinte diffuse la playlist personnelle de Yann, et la voix puissante de Daniel Balavoine chante « Je ne suis pas un héros ». La musique adoucit les esprits, les participants chantent, quelques-uns dansent, et les photos continuent de se prendre, au rythme des tubes qui défilent.

 

Dans quelques jours, cette même équipe aura installé ce studio dans une nouvelle ville, une nouvelle région. Et tout recommencera, comme si c’était la première fois. Mais pour chaque visage immortalisé sur cette bâche, ce moment restera unique.

 

Il est temps de démonter le studio. Les centaines de visages, figés pour l’éternité, attendent désormais l’heure de l’exposition, lorsque, ville après ville, ils reviendront se mêler aux regards de ceux qui les découvriront, fiers et émus. "

Fabien Brizard, photographié le 7 décembre 2023 et devenu ami

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